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Le Parisien
Ce n’est pas contre les hommes. Mais c’est un fait. Aujourd’hui, il y a moins de femmes en littérature. Alors, Juliette Ponce a décidé de créer une maison d’édition rien que pour elles. Pas politique, à peine militante. Un espace, simplement pour regrouper leurs voix. «Seuls 37% des livres qui paraissent sont écrits par des femmes, détaille l’éditrice passée chez Denoël, Buchet Chastel. Dans les grands prix littéraires, elles ne sont que 27% à être récompensées. Elles osent moins, ne se sentent pas légitimes, il y a des mécanismes pré-intégrés, larvés. Ça progresse, on les édite de plus en plus, mais j’ai pensé que concentrer ces forces, les rassembler, vis de mieux les faire entendre. »
Ici, il n’est pas question de guerre des sexes. «En France, les positions sur les rapports entre hommes et femmes sont très tranchées. C’est un sujet bouillant, pour toutes les générations. On préfère le débat d’idées à l’action, au pragmatisme, déplore celle qui a vécu les sept dernières années à Londres. Il y a finalement peu de place pour dire simplement: les femmes sont moins publiées, qu’est-ce qu’on fait? »Alors, pendant le confinement, elle a eu cette idée, et a choisi cette forme de discrimination positive. «On part d’un principe fort, pour être dans la nuance ensuite», résume-t-elle.
Ce coup de projecteur, c’est aussi pour sortir ces dames des thèmes dont on les cantonne encore trop souvent. «On les assimile au style romance, où l’on parle maternité, histoires d’amour, psychologie. Avec le mouvement #MeToo, il y a eu des tas de livres sur le viol, ou des textes très revendicatifs avec une injonction à être une femme puissante. Mais c’est encore une façon de réduire la voix des femmes à un truc unique, alors qu’elle peut être très diverse, sur plein de sujets », insiste l’éditrice.
C’est notamment le livre d’aventures et d’immersion dans la nature, le «Nature Writing», que le spécialiste aimerait développer. «Dans ce style, on imagine toujours un homme dans les bois en train de chasser l’ours, remarque la quadra. Moi, je voudrais avoir le regard des femmes là-dessus, elles ont une expérience à raconter. »Le premier livre publié par la maison,« l’Octopus et moi », rencontre entre une pieuvre et une femme dans les rudes paysages de Tasmanie, a été écrit par une autrice australienne, Erin Hortle, passionnée par l’océan qui a grandi au bord de la mer. «Elle a été malade, adolescente, et ses proches lui ont apporté des livres de grands explorateurs pour qu’elle continue à être proche de cet élément si important pour elle. Mais elle ne s’est pas retrouvée dans la description qu’elle comprend ces hommes. Elle, son rapport à la mer, ses sensations étaient différentes. »
Objectif: une dizaine de livres par an
C’est un roman de ce mouvement littéraire que la maison d’édition tire son nom. Dalva, comme l’héroïne du roman éponyme de Jim Harrison. «Elle est libre, sensuelle, connectée à la nature… Exactement le genre de femmes dont j’aurais publié le manuscrit! »S’exclame Juliette Ponce. Mais une héroïne sortie de la plume… un homme!
«Un clin d’œil, pour rappeler que j’aime la littérature dans son ensemble. Évidemment, je ne vais pas m’arrêter de lire les hommes, rassure-t-elle. Mais je veux dire: lisez aussi les femmes quand elles parlent de la nature, des sciences, du monde industriel. »Et que les mauvaises langues se rassurent. «Nous publierons une dizaine de livres par an. Je ne ferai pas un hold-up sur l’édition française! »Sourit-elle.