Par Anne Barloutaud
Publié le 07/09/2021 à 14h08,
modifié le 17/09/2021 à 08h08
(Boursier.com) — Réussir son entrée en Bourse n’est pas un long fleuve tranquille pour une entreprise…. Afin d’attirer les investisseurs, elle va s’entourer de nombreux experts qui lui permettront de se faire connaître et de se » vendre » au mieux.
Séduire les investisseurs pour ne pas évaluer ses premiers pas en Bourse requiert une forte expertise. De nombreuses étapes : et marketing vont devoir être franchies, une à une, pour aboutir au Graal la cotation sur un marché réglementé.
L’entreprise qui est convaincue de l’intérêt de se jeter dans le grand bain – que ce soit pour augmenter sa notoriété, pour entrer dans les radars de fonds d’investissement ou d’industriels, ou, encore, pour accélérer sa croissance et développer de nouveaux projets, etc. – aura besoin d’être guidé pour cet univers totalement inconnu.
La pièce maîtresse dans ce marathon qui dure neuf mois est le sponsor de l’annonce.
C’est lui qui officie sur toute la partie en amont du processus d’introduction. Il peut être indépendant ou faire partie d’une structure interne à la banque introductrice ou prestataire de services d’investissement (PSI) qui, elle, intervient sur la partie commerciale de l’opération en rédigeant l’argumentaire marketing et la note de recherche via ses analystes financiers.
En résumé, le listing sponsor conseille la partie » vendeuse « , c’est-à-dire l’émetteur, et le PSI (voir le lexique ci-dessous) la partie » acheteuse « , celle de l’investisseur, et réalise le placement des titres. Le listing sponsor pilote l’opération en conseillant la société dans le choix de ses partenaires et nommés (par des appels d’offres) toute l’équipe d’introduction : de l’agence de communication en passant par le PSI, sans oublier les avocats et les commissaires aux comptes qui signent les documents comptables.
Son rôle est essentiel, car il rédige le document d’enregistrement et la note d’opération qui détaille les modalités de l’offre. A deux, ils constituent le prospectus. Ce dernier, qui compte près de 350 pages et représente toute la vie de l’entreprise (son historique, ses données financières, ses marchés, ses projets et perspectives, etc.), est remis à l’Autorité des marchés financiers (AMF) environ soixante jours avant la date prévue d’introduction en Bourse. Il contient aussi une première estimation du prix avec une fourchette standard de plus au moins 15 % autour de celle-ci.
L’AMF a ensuite un mois après le dépôt du document pour se positionner et accorder son visa.
Ce dernier va rendre publique l’opération et va déclencher le lancement de la présentation de l’opération à la communauté financière.
Pour attirer les investisseurs, plusieurs acteurs ont déjà oeuvré dans l’ombre.
A mi-parcours, en amont du dépôt à l’AMF, l’agence de communication financière, dont le rôle est de rendre » moins indigeste » le prospectus, rédige la présentation (le slide show) – un livret synthétique de description de la société et de l’opération – et développe, pour la société, un minisite Internet dédié à la Bourse. Elle peaufine l’argumentaire de vente, en relation avec l’entreprise, et le listing sponsor. Elle réalise également le support destiné aux investisseurs, gère les relations avec la presse et l’achat d’espace publicitaire.
Les analystes financiers de la ou des banques introductrices déterminent leur propre valorisation de l’entreprise. Ils rédigent leurs notes d’analyse, qui sera jointe au dossier remis aux investisseurs institutionnels.
Ces derniers ont été sollicités à plusieurs reprises avant l’introduction. Très en amont, une première réunion appelée pilot fishing permet à la direction de l’entreprise, en relation avec le listing sponsor, deux mois environ avant la décision de l’AMF, de rencontrer une sélection d’investisseurs en face à face (one à un), alors que les notes de recherche ne sont pas encore diffusées.
» A l’origine, cette réunion servait juste à tester le discours marketing. Aujourd’hui, c’est devenu un outil de préplacement. L’opération est proposée à des investisseurs référents (cornerstone) pour assurer son succès. Nous menons cette recherche d’actionnaires institutionnels en amont, sous engagement confidentiel auprès d’investisseurs longs (grandes sociétés de gestion, fonds d’investissement de proximité, etc.) ou d’industriels. de ces actionnaires reconnus constituent, par ailleurs, un argument supplémentaire pour le reste des investisseurs », indique Yannick Petit, président de la société d’introduction en Bourse Allegra Finance.
A titre d’exemple, le producteur de fruits exotiques Omer-Decugis a recueilli un engagement de souscription, par, de cinq investisseurs institutionnels (Amiral Gestion, DNCA, Caisse des dépôts, La Financière Arbe et Imhotel) qui se sont engagés sur 70 % du montant de l’opération. Ensuite, environ un mois avant l’introduction, s’ouvre une période plus intense de marketing. Les investisseurs sont conviés aux réunions dites de PDIE (pre-deal Investor Education) en privé, durant lesquelles les analystes leur présentent en face à face leurs notes. C’est la phase d' » évangélisation « , car les souscripteurs potentiels n’ont pas encore les modalités (montant et prix de l’offre).
Un prix dit d’équilibre qui peut diverger selon les banques a déjà été estimé par les analystes dans leurs notes. Ces derniers vendent l’histoire de l’équité (l’histoire et les perspectives de la société) aux investisseurs auprès de qui ils recueillent les premières marques d’intérêt. C’est à ce moment-là que les chiffres de plus en plus précis sur les fourchettes de prix et le montant proposé commencent à circuler. A l’issue de cette phase, les banques font un compte rendu qui permet d’apprécier le niveau d’appétit pour la valeur. Elles préconisent une fourchette de prix et une taille d’opération sur la base d’un premier carnet d’ordres dit » fantôme » ou shadow book.
C’est à l’entreprise que revient la décision finale. » Le dimensionnement de la taille de l’opération est essentiel. L’objectif est de se situer en haut de fourchette et d’être sursouscrit pour exercer les clauses d’extension et de surallocation. Une taille d’opération plus importante ou un prix trop élevé qui ne permet pas de ne lever qu’en de fourchette s’apparenterait à un échec », explique Yannick Petit. Ce qui a été le cas, récemment, pour EkWateur et PHE. Trop gourmands, ils n’ont pu réunir une demande de titres suffisant : » Elle doit être d’au moins 75 % du montant de l’augmentation de capital initiale, c’est la règle d’or « , poursuite Yannick Petit, qui précise que » pour séduire l’investisseur, le discount ou rabais appliqué doit permettre à ce dernier de réaliser une opération gagnante en souscrivant en moyenne environ 30 % en dessous de la valeur estimée de la société « .
Si la plupart des offres sont proposées avec une fourchette de prix (offres à prix ouvert ou OPO), un prix fixe (OPF) permet d’attirer les particuliers. Cette procédure est surtout destinée aux petites opérations. En effet, émergent aux institutionnels qui vont dans le cadre d’un placement global leur donnant un prix auquel ils sont acheteurs, ces derniers ne connaissent pas le prix auquel ils seront exécutés.
Ces OPF se sont multipliées avec la nouvelle réglementation de 2018 qui stipule que les offres de titres devant faire l’objet d’un prospectus sont relevées à 8 millions d’euros. Ainsi, les opérations inférieures à ce seuil ne sont pas soumises au visa de l’AMF. Toutefois, » un document d’information prévu par les règles de marché et revu par les services d’Euronext » est exigé pour ces minilevées réalisées sur Euronext Growth.
Après le visa de l’AMF et le feu vert d’Euronext pour l’admission de la société, tout s’accélère. Une réunion générale invite tous les investisseurs professionnels, des road shows (présentations en face à face) sont, en parallèle, mis en place, et la communication publique démarre au travers des médias. Le placement, c’est-à-dire la construction du carnet d’ordres définitifs, dure environ deux semaines et permet, en fonction de la demande, de déterminer le prix final de l’offre. C’est l’aboutissement d’un long chemin.
Prospectus : document juridique officiel composé de deux parties. La première présente les informations clés de l’entreprise : son activité et ses facteurs de risque, l’information financière, l’équipe dirigeante et la gouvernance. La deuxième détaille les risques liés à l’offre et les conditions de l’offre.
PSI : les prestataires de services d’investissement sont des établissements (banques, courtiers) disposant d’un agrément de l’AMF pour exécuter et obtenir des ordres pour le compte de tiers.
Sponsor de cotation : statut qu’Euronext accorde à toute société chargée d’accompagner une entreprise durant son introduction en Bourse.
Réunion de lancement : réunion de lancement. Elle contient l’ensemble des conseils et définit le rôle, le calendrier et les responsabilités de chacun. La rédaction du prospectus par le listing sponsor va pouvoir commencer.
Pilot fishing: rencontres entre une société souhaite s’introduire et un nombre limité d’investisseurs afin de les avoir avec l’entreprise.
PDIE : Éducation des investisseurs avant la transaction. Les analystes financiers présentent aux investisseurs, en ?one to one, leur rapport d’analyse sur l’entreprise.
Pierre angulaire des investisseurs : investisseurs référents qui viennent prendre un ticket important.
Placement : ouverture du carnet d’ordres et de l’offre au public. En parallèle, des roadshows sont organisés entre l’équipe dirigeante et les investisseurs.